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La solitude touche de plus en plus les jeunes. Un sentiment qui s’est démultiplié depuis la crise du Covid-19 et les périodes de confinement. Dans une époque pourtant hyper connectée, beaucoup évoquent la difficulté à créer des amitiés.
Contrairement aux idées reçues, l’isolement social ne touche pas que les personnes âgées. Les jeunes sont même les plus touchés par le sentiment de solitude. 44 % des Français disent se sentir seuls de manière régulière, un sentiment exprimé par 62 % des 18-24 ans et 37 % des plus de 65 ans, selon un sondage réalisé par l’Ifop en 2024. À travers ce sentiment de solitude, beaucoup évoquent la difficulté à se faire des amis, malgré une omniprésence des réseaux sociaux.
Sur les réseaux sociaux, certains osent en parler librement et ouvrent la parole. La créatrice de contenus EnjoyPhoenix, suivie par près de quatre millions de personnes sur YouTube, a publié plusieurs vidéos à ce sujet « Pourquoi j’ai jamais gardé mes amis », « Ces amitiés qui m’ont détruite ». Sous les vidéos, les commentaires abondent dans ce sens : « Mon cercle d’amitié s’est beaucoup rétréci ces dernières années et je me sens aussi très seule ces derniers temps », « Je me sens assez seule mais finalement, dans la vie, on arrive seule et on repart seule », peut-on lire.
Sentiment de rejet et dépendance face au collectif
« Jusqu’au Covid, la proportion de jeunes à nous appeler était moindre. Avec le Covid, l’ensemble des appels de toutes les tranches d’âge ont très considérablement augmenté. Entre 2020 et 2023, on a eu 30 % d’appels en plus. Dans ces 30 %, il y a une proportion importante de jeunes », note Catherine Krebs, écoutante depuis 10 ans à SOS Amitié à l’antenne de Mulhouse et témoin direct de cette solitude ressentie par les jeunes. « Avant, ils représentaient environ 3 % de la population que nous recevions par appel téléphonique, maintenant ils sont environ 10 %, et environ 30 à 35 % des demandes par chat et messagerie. Ils abordent des sujets très durs de manière frontale, ils évoquent d’emblée leur détresse, leur sentiment de rejet, », ajoute-t-elle.
La difficulté à nouer des relations profondes
Les difficultés relationnelles sont l’une des principales raisons qui poussent les jeunes à contacter SOS Amitié. « Chez les adolescents, le sentiment de mise à l’écart revient souvent. On ressent une vraie fragilité et une dépendance face au collectif. Dès que cela leur fait défaut, ils en souffrent beaucoup », remarque la bénévole de l’association.
« Je trouve qu’il est de plus en plus dur de se faire des amis. C’est plutôt simple de faire des rencontres, mais trouver des personnes avec qui avoir une certaine intimité est plus complexe. J’ai souvent cette impression de n’être que passager dans la vie des autres », témoigne Thomas, 25 ans, lecteur de Savoie. Anaïs, lectrice de 28 ans résidant dans la Meuse, avoue que « c’est très compliqué de tisser des relations amicales depuis la fin des études supérieures et en dehors d’anciens collègues de travail. Nous sommes tellement habitués à des communications sur Internet que lorsqu’on nous propose un échange extérieur, il y a une forme de méfiance. »
« La puissance illusoire des réseaux sociaux »
Le sentiment d’isolement social est l’un des nombreux effets collatéraux de la période Covid et des confinements, pour toutes les tranches d’âges. « En revanche, alors qu’on s’attendait à avoir une baisse des appels du côté des jeunes après le Covid, nous avons remarqué qu’ils sont toujours aussi nombreux à nous solliciter encore aujourd’hui », constate Catherine Krebs.
Difficile de trouver une explication à ce phénomène qui impacte la santé mentale. Il semble que les réseaux sociaux peuvent avoir tendance à accentuer ce sentiment. « Beaucoup se plaignent d’être « ghosté », d’être mis à l’écart. On se rend compte de la puissance illusoire des réseaux sociaux, on peut avoir des amis sur ces réseaux mais le vivre extrêmement mal si on est bloqué ou mis à l’écart. Ces plateformes entraînent une démultiplication du sentiment d’isolement et reviennent beaucoup dans les souffrances des jeunes que nous avons », confirme l’écoutante de SOS Amitié. Dans les cas les plus graves, certains évoquent des cas de harcèlement, malheureusement fréquents en ligne.
Une inquiétude pour l’avenir
Chez les étudiants et jeunes salariés se tournant vers l’association, les questionnements et inquiétudes tournent beaucoup autour de leur avenir, leur orientation, de la société et de la planète, en plus du relationnel. « Est-ce que mes amis et mon entourage me conviennent ? À quoi va ressembler notre monde ? On est plutôt dans un état de doutes existentiels au sens très large, un sentiment d’insécurité et de sa place dans le monde et dans le futur proche », relève Catherine Krebs.
Certains évoquent également l’intelligence artificielle dans leur propos, persuadés de parler à un robot lorsqu’ils s’adressent au chat de SOS Amitié (il n’y a que des bénévoles pour répondre aux messages) mais, fatalistes et résignés, avouent préférer parler à un robot plutôt que de rester dans leur solitude.
Source : Dernières nouvelles d’Alsace par Audrey VERMOREL